Le premier instant de perdition, celui qui l'a consacré dans ce désir d'agir et de vendetta.
De faire pleuvoir les conséquences de leur arrogance aux immortels venus écraser l'humanité sans se soucier d'eux, simplement pour retrouver l'un des leurs et le punir, lui arracher sa propre existence et l'humilier devant tous les autres, comme un avertissement de ce qui les attendait, eux. Sans jamais même reconnaître les autres, ceux qu'ils avaient blessés, attaqués, dévorés. Comme de vermines sans importance à leurs yeux. Une révélation sans équivoque de ce leur perception. Il n'était pas à la hauteur, à ce moment précis. Alors il s'était enfui, quand tous les yeux s'étaient tournés vers ces Quatre horreurs dévastatrices. Quand le chaos devenait encore plus présent qu'il ne l'était déjà auparavant.

Le corps fatigué, crispé, écrasé. Il avait rampé, jusqu'à s'éloigner suffisamment de tout ce vacarme, jusqu'à retrouver les espoirs de la mince sécurité qu'on pouvait lui offrir dans les bras d'un autre, à se remettre de ses chagrins et de ses bousculades. Les traces étaient restées, ses mains crispées. Ridées. On lui avait arraché sa propre vitalité. Ses veines, ses os, tressaillaient au travers de sa chair affaiblie. Figées dans une position immuable, avant de pouvoir en retrouver l'usage, Ryan n'était plus capable de grand chose.

Il avait fallu attendre les jours passer, le temps s'écouler trop lentement, pour qu'il se sente retrouver l'usage de ses dix doigts comme auparavant, malgré la lourdeur et l'inconfort qui était resté au-delà de ces trois jours interminables. Et puis l'enfer ne faisait qu'amorcer un peu plus son ascension, recouvrant la ville d'un couvre-feu et d'une présence plus encombrante qu'avant des fores armées. Son métier qu'il hésitait encore à retrouver, il ne le retrouverait pas du tout. Forcé à rester à l'abri, chez un ami. Enfermé dans une ville qu'il ne pouvait plus quitter dorénavant. Enfermé avec ses propres pensées, les révélations auxquelles il avait assisté avant de disparaître et de parvenir à se mettre en sécurité. Trop de choses qui en appelaient d'autre, trop d'informations qui s'ajoutaient à ce qu'il savait déjà. Des jours passés à essayer de dire quelque chose, d'y mettre des mots et de confronter la chose. La réalité. Des jours durant sans oser lui écrire, parce qu'il ne savait pas comment s'y prendre. Il ne savait pas quel ton aborder, ni quoi lui dire. Comment lui parler, comment la considérer. Tout en y ajoutant l'incertitude d'être lu, l'incertitude que son message l'atteigne. Sans savoir si elle s'en est sortie et sans savoir si ça en vaut même la peine. Si elle viendrait à le lire.

Des jours qui continuent de passer sans qu'il ose, sans qu'il ne puisse trouver la force de le faire. Des jours qui deviennent des semaines, et finalement, animé d'une conviction renouvelée, après avoir suffisamment attendu, agacé de ne rien savoir. Agacé des conditions dans lesquelles ils les ont tous forcés.

Il faut qu'on éclaircisse plusieurs choses, je crois.
C'est Ryan. Anielo m'a donné ton numéro.

J'étais à la parade. Brièvement en tout cas.
J'imagine que ce n'était pas comme ça que tu comptais me révéler ta vraie nature un jour, si tu comptais le faire, et j'aurai préféré l'apprendre autrement. Certainement pas dans des circonstances comme ça.

Je t'avoue que j'ai pas vraiment compris tout ce qui s'est passé là-bas, ni qui ou quoi étaient ces quatre... dieux?

Mais ce que je sais c'est que tu restes encore l'une des seules de ces immortels en qui je crois pouvoir faire confiance. Même si je n'en connais pas vraiment d'autre, à vrai dire.
Enfin, je crois.


Dans tous les cas, j'espère que tu es en sécurité.